Tout va bien

La vérité suprêmement choquante et politiquement incorrecte, aujourd'hui est celle-ci : Tout va bien, tout n'est jamais allé aussi bien. Faites l'expérience : dites ça à des amis, et vous verrez les réactions horrifiées. On est tellement habitués à se plaindre qu'on ne voit plus une vérité aussi simple et évidente.

C'est-à-dire que les conditions de vie, la richesse, le pouvoir d'achat, n'ont quasi cessé d'augmenter depuis quelques siècles, y compris pour les plus pauvres, s'il vous plaît. Depuis la "crise" économique (1975), la richesse de la France a plus que doublé.

Cela dit, il ne faut nullement croire que cette amélioration de la situation (aux niveaux social, économique, géopolitique, etc.) se traduit par une augmentation du "niveau moyen de bonheur". Celui-ci, pour autant qu'un tel concept ait un sens scientifique, reste probablement constant au cours du temps. Car le bonheur, comme toute sensation, est essentiellement différentiel. Nous ne sentons que les différences. Aucun état ne rend heureux (ni malheureux) durablement, car on s'habitue à tout. Seule une amélioration de notre situation (une augmentation de notre puissance, pour le dire dans le langage de Spinoza, qui, en définissant les affects comme des variations de notre puissance, avait fait du caractère différentiel la définition du sentiment) procure un certain bonheur provisoire.

Ainsi pour connaître de grandes joies il faut de grands malheurs (pas de montagne sans vallée), et par conséquent l'époque actuelle, où tout coulisse avec davantage de fluidité chaque jour, se caractérise plutôt par l'ennui que par le bonheur. Tout s'aplatit et tend vers zéro dans le monde "parfait" et bien réglé.

Ici comme ailleurs la technique met l'homme face à lui-même, elle lui fait découvrir sa nature et sa volonté profonde ; et il découvre avec stupéfaction que ce qu'il voulait, ce n'était pas le confort mais le jeu, voire la guerre...

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